Les mycotoxines

 

            On a beaucoup polémiqué ces dernières années sur les risques liées aux mycotoxines dans les croquettes. Plusieurs éleveurs de chiens et de chats les ont accusées de tous leurs maux, des mortalités périnatales aux infertilités, en passant par des épisodes de haute mortalité. Or, s’il est incontestable qu’une partie des décès est directement corrélée à la présence de telles substances toxiques, comme nous le verrons dans la suite de cet écrit, il serait irresponsable pour l’éleveur de leur  imputer tous ses problèmes. Dans le but d’éclairer les consommateurs, l’AFFSA a publié en mars 2009 un rapport sur le risque lié aux mycotoxines (a), et l’a mis à disposition au Salon de l’Agriculture 2010. Dans cet article, nous tenterons de vous présenter les informations qui s’y trouvent concernant les carnivores domestiques. Nous vous renvoyons directement au rapport (et aux articles sur lesquels il s’appuie) pour de plus amples informations.

 

1         Que sont les mycotoxines ?

1.1       Quelques définitions.

Le terme « mycotoxine » vient du grec « myco » qui désigne les champignons. Les mycotoxines sont des substances chimiques naturellement produites par les champignons microscopiques, plus communément appelés moisissures, et possédant un pouvoir toxique pour l’animal (ou l’homme) qui le consomme. Si on a recensé plus de 300 produits de moisissures, « seuls une trentaine possèdent de réelles propriétés toxiques ».

Ces toxines sont produites aussi bien lors du développement de la plante en plein champ, que lors du stockage de celle-ci après la récolte. Les mycotoxines produites dans le champ, pendant la croissance de la plante, sont appelées « mycotoxines de champ » ; les mycotoxines produites pendant le stockage sont appelées « mycotoxines de stockage ». Les mycotoxines de stockage peuvent être produites alors même qu’aucun champignon ne contaminait la plante en champ. En effet, la contamination par les moisissures peut se faire pendant la récolte, par des spores de champignon du sol, ou même après la récolte, durant le stockage, par des spores présentes sur des débris végétaux, dans un lieu de stockage mal nettoyé.

1.2       Conditions d’apparition des mycotoxines.

Ce dont il faut être conscient, c’est que ces mycotoxines sont produites naturellement et que l’homme n’a que peu de moyen d’actions pour prévenir leur formation. En effet, la production de ces toxines dépend essentiellement de conditions climatiques sur lesquelles l’homme n’a aucun contrôle. Les antifongiques qui pourraient être utilisés pour éliminer les moisissures productrices sont hélas au moins aussi toxiques que les mycotoxines, et le règlement CE 1881-2006 interdit dans son article 3 de décontaminer par un procédé chimique les lots contaminés ou potentiellement contaminés par des mycotoxines (b). Nous pouvons donc juste contrôler la présence de ces toxiques par divers tests… à condition qu’ils soient correctement mis en œuvre ; nous en reparlerons ultérieurement.

Les mycotoxines se trouvent essentiellement sur les céréales, les fruits, les noix, les amandes, et les fourrages, ainsi que l’ensemble des produits fabriqués à partir de ces matières premières, que ce soit pour l’alimentation animale ou pour l’alimentation humaine. Les procédés habituels de stérilisation ou de cuisson n’éliminent pas ces toxines. Si un lot de matière première est contaminé, le lot de croquettes fabriqué à partir de celui-ci le sera aussi.

1.3       Un peu d’histoire…

Bien que le mot de mycotoxine paraisse barbare à la plupart d’entre nous, nous connaissons tous les pathologies qui lui sont associées. En effet, l’homme est touché depuis bien longtemps par cette fatalité. Le « feu de Saint-Antoine » ou « feu sacré » ou « mal des ardents », dont une appellation moins profane est « l’ergot du seigle » est une maladie causée par une mycotoxine, à savoir un toxique alcaloïde produite par le champignon appelé « Claviceps » qui s’attaque au seigle. La maladie se caractérisait par des délires et/ou des prostrations, accompagnés de violentes douleurs, d’abcès allant jusqu’à la gangrène des extrémités et provoquant des infirmités graves. C’est la consommation de farines contaminées qui a entraîné les épidémies des 8e au 16e siècle. D’après l’AFSSA, le dernier épisode recensé en France aurait eu lieu en 1951, à Pont Saint-Esprit, dans le Gard (a).

Nos amis à quatre pattes ne sont pas exempts d’épisode de mycotoxicose. Ainsi, « les premiers cas d’intoxication de chiens par les aflatoxines ont été rapportés aux Etats-Unis dans la décennie 1950 sous le nom d’hépatite X. » (a)

2         Les maladies causées par les mycotoxines

C’est un fait qui ne peut être nié, les mycotoxines provoquent des maladies. Il faut toutefois distinguer la toxicité aigüe de la toxicité chronique de ces substances. La toxicité aigüe provoque souvent une maladie grave, conduisant rapidement à la mort de l’individu, tandis que la toxicité chronique entraine l’apparition de maladie plus difficilement imputable directement à la présence de toxique. Néanmoins, comme nous le verrons par la suite, les organes touchés sont les mêmes et les lésions décelables lors de l’autopsie ou sur une biopsie sont extrêmement semblables. Concernant les carnivores domestiques, on s’intéressera surtout aux risques touchant le foie, les reins, la fertilité et l’apparition de tumeurs, qui sont les principaux risques observés à ce jour.

2.1       Toxicité des aflatoxines.

 

3         Réglementation.

3.1       Taux maximums autorisés.

Malheureusement, comme dit plus haut, il est extrêmement difficile, voir impossible, d’éliminer totalement les mycotoxines de notre alimentation. Au vu de cette réalité, les réglementations française et européenne, sont assez permissives et autorisent de faibles taux de mycotoxines dans les aliments vendus. Les plafonds restent toutefois plus bas pour l’alimentation humaine que pour l’alimentation animale. Concernant les croquettes pour chiens et chats, on leur appliquera ici les plafonds pour les aliments complets autres que ceux à destination des porcs et des volailles, mais à ce jour, et à notre connaissance, aucune réglementation spécifique n’existe. Attention, les compléments alimentaires (style Petphos) peuvent eux-aussi comprendre des mycotoxines. Les plafonds pour ces aliments complémentaires sont généralement beaucoup plus bas que pour les autres produits.

Les fromages et tous les produits laitiers en général sont également des sources potentielles d’intoxication par les mycotoxines. Etant à destination humaine, c’est la réglementation pour l’alimentation humaine qui s’applique : les plafonds sont alors nettement plus faibles que pour l’alimentation animale, et sauf à se fournir directement chez un producteur non respectueux des bonnes pratiques agricoles établies par l’union Européenne, le risque d’intoxication avec ces produits restent négligeable.

L’ensemble des taux maximums autorisés en fonction de l’aliment considéré est reporté sur le  tableau 1. On remarquera que seuls 7 groupes de mycotoxines font l’objet d’une réglementation à ce jour : les aflatoxines, l’ochratoxine, la patuline (qui ne se trouve pas dans le tableau car ne nous intéresse pas en tant qu’éleveurs félins), les fumonisines, les trochothécènes, la zéaralénone, et les alcaloïdes d’ergot (dit « ergot du seigle »).

Néanmoins, le faible nombre d’études scientifiques portant sur l’impact des mycotoxines sur la santé des carnivores domestiques (chiens, chats et furets), ne permet pas aujourd’hui aux autorités compétentes de déterminer des taux plafonds qui leur seraient propres. Or, si on sait que les modes d’actions sont semblables, sinon identiques, d’une espèce à l’autre, on sait aussi que l’effet dose (quantité d’une substance provoquant un effet donné) est lui propre à chaque espèce. C’est pourquoi rien ne prouve que les carnivores domestiques tolèrent les mêmes doses que les herbivores ou que l’homme.

Afin de peser dans la mise en place d’une réglementation plus stricte pour les mycotoxines dans l’alimentation des chiens et des chats, une association (c) a vu le jour en France, sous l’impulsion d’Anne-Charlotte Poncet, éleveuse de persans. Cette association fait tester régulièrement des taux de croquettes de différentes marques pour la quantité de mycotoxines présentes dans les échantillons collectés, mais réserve ses résultats à ses seuls membres adhérents, ce qui explique l’absence de ces données dans cet article. Bien que je n’approuve aucunement le manque de transparence de cette association (pas plus que celui des fournisseurs de croquettes, du reste), et le manque de rigueur scientifique qu’elle présente dans ses conclusions, j’ai trouvé intellectuellement plus honnête de la citer en indiquant mes réserves vis-à-vis de son action que de taire purement et simplement son existence.

3.2       Contrôle des teneurs maximales autorisées.

Il faut reconnaître que les techniques de quantification des mycotoxines dans les aliments dits complets, comme les croquettes, sont particulièrement complexes. En effet, les sources d’erreurs susceptibles de fausser la mesure finale sont nombreuses :

·         Prélèvement d’un échantillon non représentatif du lot testé. Pour y remédier, il est conseillé de prélever plusieurs échantillons à différents endroits du lot (ie, dans le cas de croquettes, dans différents sacs du même lot).

·         Prélèvement, dans un échantillon, d’une fraction non représentative de l’échantillon. Là encore, plusieurs mesures doivent être effectuées pour un même échantillon, sur des extraits différents du même échantillon.

·         Erreur liée à la mesure : toute mesure comprend une marge d’erreur qu’il convient de prendre en compte pour déterminer la significativité de la mesure finale.

Pour être valide scientifiquement, la mesure d’une quantité de mycotoxines devrait donc être une moyenne  de mesures de plusieurs extraits de différents échantillons d’un même lot, présentée sous la forme d’un intervalle de valeurs (valeur minimale à valeur maximale), dit « intervalle de confiance », tenant compte à la foi de la variabilité des mesures enregistrés pour chaque extrait de chaque échantillon et de la variabilité de la mesure elle-même pour un seul et même extrait. En pratique, les laboratoires disposent de protocoles normalisés pour chaque type d’aliment permettant de tenir compte de cette variabilité. Pour faire bref, une mesure donnée sous la forme d’une simple valeur ne peut pas constituer une donnée scientifique fiable et interprétable : elle doit toujours être accompagnée de la marge d’erreur.

L’AFSSA demande aux laboratoires de contrôles l’utilisation de méthodes d’analyse normalisées reprenant les normes AFNOR, EN ou ISO. La validation d’une nouvelle méthode d’analyse doit se faire selon le protocole établi par la norme AFNOR V03-110. A ce jour, il n’a pas été possible de trouver sur le net une méthode validée spécifiquement pour les croquettes pour chiens ou chats.